Sarah Small, c’est un peu l’enfant difforme de la photographie de mode.
Comprenez par là qu’elle sait faire aussi bien, si ce n’est mieux que tous les photographes cover de Vogue. La recette, elle la connaît par cœur.. Vous aussi. Pour mémoire, je vous la redonne :
Commencez par un cadrage élégant avec une lumière diffuses qui donne l’illusion du naturel, puis déposez au centre une petite ingénue aux regards troubles qu’on pense à dévêtir au préalable. Elle va exécuter alors une de ces poses absurdes que son agence de mannequinat lui a apprise. Un brin de surexposition, et beaucoup de retouche. Bim. C’est fait. Vous n’avez plus qu’à couper l’arbre, en faire du papier glacé et imprimer le catalogue. Vous aurez comme résultat l’actuelle définition du « beau ». C’est ce qu’elles incarnent ces petites nymphes aux regards livides, payées des milles et des cents pour un sourire fade. Les magazines de modes sont leurs paroisses. Et elles y règnent en maitres(sses).
Mais Sarah Small les sorts de leurs havres à grand coup de pompes et dans sa superbe série « The delirium construction », les fait cohabiter avec un tout autre monde.
Utilisant tous les codes de la photographie de mode, elle shoot des scènes absurdes où la nudité de la jeunesse cohabite avec la vieillesse. Où la pureté d’un nouveau né est juxtaposée à un hématome. Ce sont des improbables rencontres entres archétypes. Des gens que le bon goût nous a toujours interdit de faire poser ensemble.
Ici pas de comparaison. Penser qu’en mettant côte à côte jeunesse et vieillesse elle chercherait à évoquer les ravages du temps serait une erreur. L’âge n’est pas une condition mais un esthétisme. Jeunes et vieux sont des images. Chacun pris à part est un sujet de photographie sans équivoque. Mais c’est leurs juxtapositions qui génère le malaise.
Les chiens avec les chiens, les chats avec les chats. Voilà l’habituelle pensée.
Sarah Small parodie et exagère. Ses retouches photo sont volontairement visibles et grossière, là ou les magazines hypocrites peine tant à les dissimuler. Les poses contorsionnées des nymphes deviennent absurde mises à côté d’une petite dame âgé. En amplifiant ces caractéristiques, l’esthétisme dominant est moqué.
Elle prophétise la fin de la photo de mode comme on l’a connaît. Le « beau » va devoir se trouver une nouvelle recette. Bonne nouvelle.
Bien plus sur www.sarahsmall.com