Quinze ans après tout le monde, Mathias Zwick est passé au numérique. Il le reconnaît dans un grand éclat de rire, appareil photo en bandoulière comme d’autres accrochent un bouton de rose à leur boutonnière. “J’ai encore du mal à m’y faire. Quand je lis que la durée de vie d’une donnée numérique n’est que de 10 ans, ça me fait réfléchir.”
Cet Alsacien de 27 ans format XXL n’est pas tombé dans la photo comme Obélix dans la potion magique. Son obsession à lui, c’était le skate-board. Il a commencé par filmer ses sauts et les figures de ses amis à l’aide d’une caméra Super-8, entre autres. “Pour le Noël de mes 15 ans, j’ai eu mon premier appareil photo, un Nikon FE10 qu’on m’avait acheté sur eBay.”
C’est une révélation. Pour prendre la photo au bon moment, rien de tel que de pratiquer assidûment la discipline. Pour ne rien gâcher, le côté outdoor de la discipline la rend particulièrement photogénique.
Après des études en droit de la propriété intellectuelle – “ce qui sera toujours utile si on s’approprie mes images, mais je vois plus ce bagage comme une roue de secours”, Mathias Zwick décide de faire de la photo son métier. Avec comme obsession l’idée de mêler des domaines qui ne se mélangent pas d’habitude : une école de rock œcuménique au milieu d’une ville coupée en deux par la guerre au Kosovo… ou une bande de skaters qui ride l’arrière-pays de Téhéran.
“Quand les douaniers iraniens sont tombés sur deux skates dans ma valise, ça a dû leur faire bizarre”, sourit le photographe, qui n’a pas été inquiété outre mesure à l’atterrissage dans la capitale iranienne.
Dans son bagage aussi une flopée de pellicules – à l’époque, Mathias ne jurait que par l’argentique. “Ça a forgé mon habitude de ne pas mitrailler à tout va, mais de réfléchir avant d’appuyer sur le bouton. Cela dit, si j’aime bien le côté graphique de la photo, je privilégie l’action, le mouvement.” Son reportage décalé au pays des mollahs, fruit de six semaines passées sur place, a été publié par Vice et Le Parisien Magazine. “C’est sûr que ça changeait des seules images de jeunes qu’on voyait de là-bas, les fanatiques qui brûlent les drapeaux israéliens et américains lors de manifestations.”
Un travail d’immersion auprès des skaters iraniens qui est passé par le choix d’un appareil compact plutôt que d’un zoom à rallonge souvent utilisé pour la photo de sport. “Un tel objectif, ça intimide. Je voulais surtout que mes sujets soient naturels. Et allez faire du skate avec ce barda sur le dos.”
En attendant un prochain voyage dépaysant pour un sujet qui décoiffe (mais chuuuut, on n’en dira pas plus), Mathias Zwick reste à l’affût de la moindre bizarrerie pour alimenter son compte Instagram, le réseau social préféré des photographes. “C’est mieux qu’une carte de visite ou qu’un book. En un clic, on peut se faire une idée de mon travail.”
Retrouvez à l’abonnement et à la vente les photographies de Mathias Zwick ici.