Samedi 28 janvier dernier avait lieu au Club Soda un événement réunissant rien de moins que Brown, Koriass, le collectif Alaclair Ensemble et une bonne partie des rappeurs du mouvement rapkeb montréalais. Une soirée festive à souhait qui a néanmoins souffert quelque peu de l’ombre d’un autre événement marquant de l’histoire.
Tout d’abord, je dois avouer que l’appellation « Osstidtour » relève beaucoup plus du branding amusant que de l’hommage attendu. Rappelons rapidement que l’Osstidcho, ayant inspiré le concept, est un spectacle de musique et d’humour majeur de l’histoire culturelle au Québec. L’événement regroupait sur la scène du Théâtre de Quat’sous : Mouffe, Louise Forestier, Robert Charlebois, Yvon Deschamps et le Quatuor du nouveau jazz libre du Québec. Le spectacle utilisait des éléments artistiques d’avant-garde dans une mise en scène assez dénudée qui contrastait avec les spectacles de variétés si populaires de l’époque.

Ainsi, sur la page Facebook officielle de l’Osstidtour, on nous annonce que « comme en 68, on retrouvera sur scène la folie d’une gang de chums réunie, et dans le public, la jeunesse scandant les textes des poètes d’aujourd’hui, fière de participer à la modernisation de la chanson québecoise ». Or, le clin d’oeil se termine pas mal à ce moment.
Si l’esprit de communion est effectivement au rendez-vous avec des apparitions surprises de l’ensemble des artistes du mouvement rapkeb sur la scène et un certain rappel du décor original pour la structure des DJs, je m’attendais à un spectacle plus « reformaté » que celui auquel j’ai assisté.
La formule demeure classique : les trois groupes, hormis une légère communion de deux chansons en entrée de jeu, performent chacun de leur côté, séparés par des entractes silencieux. Pas de concept plus poussé, sauf peut-être l’habillage scénique et l’éclairage qui reste le même pour l’entièreté de la soirée. Il faut toutefois noter que de l’aveu même de Robert Nelson, membre d’Alaclair Ensemble, la formule de la soirée a tendance à changer légèrement à chaque occasion. L’introduction commune est parfois mise de côté ou allongée selon l’humeur de tous.

Un spectacle attendu, mais efficace
Ceci dit, si l’on passe outre ce rendez-vous conceptuel manqué, les performances restent solides ! Brown nous a offert, à mes yeux, sa meilleure performance, accompagné d’un Robin Kerr en très grande forme et d’interventions inspirées et assez drôles de la part de Snail Kid. On peut souligner que Brown se veut une célébration de la diversité québécoise et de l’identité noire dans l’un des seuls endroits au monde où la scène hip-hop est menée par des têtes d’affiche étonnamment assez blanches. Un projet qui se démarque donc dans le bon sens et qui vient agréablement ouvrir la soirée.
Koriass nous a également offert ce qu’il peut faire de mieux. Si je n’apprécie pas vraiment sa musique, celui-ci propose un set « live » efficace dans un mandat beaucoup plus pop que ses comparses. La foule est au rendez-vous et applaudit chaudement durant l’apparition surprise de Safia Nolin qui ne sert qu’à éponger le visage du rappeur (le moment très féministe du spectacle).

La soirée se conclut sur une note de party avec l’intervention finale d’Alaclair Ensemble, sans Claude Bégin, trop « occupé à se frotter sur des poteaux graisseux » comme le souligne si bien l’un des rappeurs. Autres points culminants en rafale : nous faire penser que c’tait ça que c’tait mais transformer le tout en coït interrompu avec un segment présenté par un trompettiste jazz, rapper Ville-Marie de Knlo avec Lou Phelps et son non moins célèbre frère Kaytranada, et inviter un membre du public sur scène pour remplacer Ogden sur Piles comprises. Bref, un franc esprit de camaraderie.
Le spectacle, s’il ne rend donc pas l’hommage attendu au mythique Osstidcho, reste néanmoins l’un des plus gros événements hip-hop auxquels on aura pu assister au Québec. Les trois plus grosses têtes d’affiche du genre sont présentes sur une même scène, un même soir, et ça fait effectivement courir les foules. Tout compte fait, on s’explique assez bien pourquoi l’édition montréalaise aura nécessité deux dates supplémentaires.
Un concert qui ne marquera peut-être pas par son audace, mais que l’on retient pour son efficacité et son ampleur. C’est peut-être là, justement, qu’il saura assumer réellement la comparaison avec son aïeul.
–» Pour voir l’Osstidtour : rendez-vous les 4 et 17 février au Club Soda de Montréal.
Remerciement à Melika Dez pour les photos : site web | instagram
