Henrique de França aborde dans des dessins en noir et blanc, éthérés, les questions de la mémoire collective et individuelle et de la violence urbaine.
Henrique de França, des dessins à la précision presque parfaite
En 1982, un cartório de São Paulo inscrit un nouveau-né : Henrique de França. Le nouveau-né grandit et obtient son diplôme de premier cycle en arts plastiques et un diplôme de troisième cycle en design graphique.
Depuis, Henrique de França fascine avec ses dessins intemporels et gracieux. Il a été exposé à de nombreuses reprises dans son pays – au Desenho Contado à la Galeria Leme de São Paulo ou au Musée de Arte Contemporânea de MS à Marco – et à l’étranger, notamment lors d’expositions collectives à Washington DC, par exemple, dans le cadre du World Bank Art Program en 2010.
Dans des dessins complexes, Henrique de França explore l’espace vide du papier qu’il remplit de lignes, d’ombres et d’espaces négatifs. Le travail du dessinateur raconte des histoires auxquelles les observateurs peuvent s’identifier et se plonger dans une nostalgie personnelle.
Dans de magnifiques monochromes, l’artiste nous éblouit avec ses dessins qui reflètent des scènes de vie poétiques aux lignes superbes qui paraissent nous plonger dans de véritables photographies monochromes.
L’artiste débute en juxtaposant des images afin de raconter des récits évasifs et nostalgiques. En effet, le dialogue entre l’urbain et le rural dans ses œuvres est nuancé par des souvenirs d’un passé récent.
Les dessins d’Henrique de França abordent ainsi la confrontation entre les générations, les traditions et les classes. Son travail réfléchit sur la construction de la société latino-américaine, en laissant un sentiment dramatique grâce à l’immobilité de ses figures et de sa composition, comme si quelque chose venait de se produire ou était sur le point de se produire.
Les dessins d’Henrique de França sont également parfaitement symétriques et composés de lignes bien définies, presque incisives parfois.
On retrouve cette symétrie parfaite dans un dessin intitulé Lugares Congruentes, un dessin dont la recherche du sublime dans l’architecture fait presque atteindre la perfection à l’artiste, d’une façon si authentique qu’elle devient presque éthérée et immatérielle. Pourtant, au centre de la salle, on peut observer un tissu recouvrant sûrement un corps humain ; renforçant et déstabilisant simultanément la symétrie de l’architecture. Par ce cadavre attendant d’être enlevé, Henrique de França représente la violence urbaine et, par ricochet, l’imperfection humaine.
Henrique de França nous plonge dans un état d’hibernation mentale
On observe régulièrement dans les œuvres d’Henrique de França des figures qui se baladent, censées être en mouvement. Pourtant, la sensation d’arrêt dans le temps, de paralysie se fait ressentir, comme si les personnages étaient en proie à des réflexions internes sur la vie, la mémoire, l’espoir et le changement.
Finalement, le travail du brésilien ressemble à un commentaire social métaphorique qui vient d’expériences individuelles. Le sentiment de léthargie est l’élément le plus troublant dans l’œuvre d’Henrique de França. Dans des œuvres silencieuses, il hypnose et plonge le spectateur dans un tourbillon de pensées apaisantes, mais mélancoliques.
Par exemple, dans sa série d’images intitulée Torpor, l’artiste tire un sentiment de léthargie, de torpeur, et d’oisiveté dans le processus de son travail dans lequel il utilise l’espace négatif pour faire allusion aux interactions silencieuses entre les figures et leur environnement. Cela est d’ailleurs accentué par la petite dimension de ses dessins (40x60cm) gravés sur une feuille de papier. À travers des yeux passifs, on observe des scènes de la vie quotidienne décrites par Henrique de França avec une familiarité avec l’environnement qui suggère une sorte d’errance à travers la vie urbaine paisible.
Grâce à ses traits fins et précis, l’illustrateur réussit à faire transparaître des émotions fortes, le tout dans une ambiance presque intemporelle. Henrique de França dessine et peint des œuvres touchantes, délicates, en noir et blanc, dans un univers gouverné par la mélancolie et par des personnages intemporels par leur immobilisation dans le temps, pensifs.
En 2010, à la Galeria Leme de São Paulo, l’artiste présentait sa première exposition personnelle avec une série de dessins provenant de photographies anciennes. Personnes seules ou en groupe, moments ordinaires ou décisifs, Henrique de França fait le récit d’une histoire passée, et pourtant toujours d’actualité. Grâce à une orientation le plus souvent horizontale, Henrique de França souligne la continuité, comme si le présent pouvait redéfinir le passé.
Le vide et les éléments inachevés sont d’ailleurs souvent présents dans son travail, comme si la mémoire pouvait mieux identifier un morceau d’un souvenir que l’autre. Dans un travail déjà caractérisé par l’immobilité de l’œuvre, Henrique de França suggère que les choses ne changent pas. Il rapproche alors la formation de sa société contemporaine à travers son développement dans les traditions religieuses, dans les relations de soumission et dans les histoires qui laissent des traces lorsqu’elles disparaissent.
Puisque vous êtes-la, vous devriez jeter un oeil aux monochromes d‘Albert Chamillard.