Agathe Toman, pensées retranscrites

Image d'avatar de ninonhittaNinon Hitta - Le 23 février 2019

Vacillant entre le passé et le présent, Agathe Toman peint et dépeint les courbes de la vie et des ressentis. L’abstrait devient concret à travers une recherche précise et significative de thématiques. Agathe transforme ses émotions en croquis ce qui permet de donner un sens à une pensée et d’accroître un réalisme. Brièvement, elle nous ouvre les portes de son univers.

Agathe Toman. Quels sont les mots qui pourraient te caractériser ?

Je dirais passionnée, curieuse, impatiente, sensible (bien trop), travailleuse, solitaire, sociable, pleine de contradictions. J’ai de l’humour, j’aime rire et faire rire les gens, parce que je ne me prends pas au sérieux du tout, et, même si je me vexe, j’adore qu’on se moque de moi.

Comment cette fibre artistique s’est-elle développée ?

Pour être honnête, je dessine depuis aussi longtemps que je me souvienne. J’ai commencé dès l’instant où j’ai pu tenir un crayon et je ne me suis jamais arrêtée. J’ai commencé par le dessin, mais j’ai aussi baigné dans la photographie très jeune grâce à mon père. Je photographiais à l’argentique et je développais moi-même mes photos. D’autre part, ma tante, qui avait fait les beaux arts, dessinait au pastel. Tout ceci a contribué à me sensibiliser d’une manière ou d’une autre à l’art, sous différentes formes. Plus je grandissais, plus je travaillais, et développais mon propre univers et ma technique. C’est un processus sans fin.

Diplômée de l’École de la chambre syndicale de la couture parisienne, tu as travaillé pour diverses maisons de couture. Quel est ton attachement au secteur du luxe, désormais ?

Agathe Toman

C’est toujours un milieu dont j’admire certaines créations, et créateurs, mais ce n’est plus un milieu dans lequel je veux travailler de façon permanente. Cependant, je suis de nouveau entrée en contact avec certaines maisons récemment pour travailler sur d’éventuels projets artistiques dans le futur. C’est un échange mutuel, l’idée étant de marier nos univers et nos talents respectifs afin de créer quelque chose de nouveau. Les maisons de coutures parisiennes possèdent un savoir-faire et une histoire incroyable, si je travaille aujourd’hui avec l’une d’entre-elles grâce à mon art, j’en serais extrêmement fière.

En ce sens, la peinture incarne-t-elle un renouveau ou une continuité par rapport à tes expériences précédentes ?

La peinture et le dessin incarnent une continuité de tout ce que je suis. Dans un sens, être artiste à temps plein et vivre de mon art est un renouveau et un bonheur total, mais c’est également la continuité des vies que j’ai vécu jusqu’à présent. Je n’en serais pas là aujourd’hui sans mes expériences dont certaines sont douloureuses. Mon passé qui parfois m’a échappé me permet d’être entièrement à mon présent. Désormais, je cultive ce présent avec un amour inédit.

Comment l’idée de débuter une carrière artistique est-elle survenue ?

Elle n’est pas survenue, elle était là depuis toujours et m’a poussée au travail. Pendant longtemps, je n’en avais simplement pas les moyens financiers comme artistiques. Je n’avais pas non plus la confiance en moi nécessaire, loin de là. Il y a 2 ans et demi j’ai quitté mon CDI, et tout ce qui faisait ma stabilité d’alors pour me consacrer à l’art. Chaque jour est une tempête émotionnelle, de peurs et de bonheur, mais pas un seul moment ne passe sans que je me sois reconnaissante d’avoir eu le courage de prendre cette décision et que je fasse en sorte de l’honorer.

Comment as-tu façonné ton empreinte singulière et onirique ?

Agathe Toman

La réponse reste très floue, même pour moi. Ma technique, mon univers, mon dessin ou mes peintures ne cessent d’évoluer au fur et à mesure de mon travail. Lorsque j’ai commencé à dessiner il y a des années, mon univers n’était pas vraiment reconnaissable et ne possédait pas d’empreinte propre. Cette empreinte a pris forme au fur et à mesure. Plus je travaille, plus je suis capable d’explorer les profondeurs de mon être, d’écouter ce qui s’y passe et surtout d’arriver à le retranscrire. Je passe beaucoup de temps seule pour me ressentir sans que rien ne vienne perturber cette recherche.

Face à toi, une toile blanche. Répands-tu tes idées de manière brute ou réfléchie ?

Les deux je crois. Pour mes expositions, le projet mûrit pendant longtemps, jusqu’au moment où je commence à créer, mais même à cet instant je ne sais pas à quel sera le résultat final. Pas exactement tout du moins. Et parfois, j’essaye de nouvelles choses et de là découle une toile totalement différente de ce que j’avais imaginé. Pourtant c’est exactement CA que je voulais créer. C’est un cheminement qui reste toujours assez abstrait et je tiens à ce qu’il le reste, préserver la magie. Il est très important pour moi de laisser l’inconnu, l’imprévu et l’aléatoire exister et évoluer. Ainsi mon intérieur et mon inconscient se manifestent, ils ne peuvent pas se figer dans l’idée que je m’en fais ou que les autres projettent…

L’omniprésence du noir et du blanc constitue une forme de langage. Que souhaites-tu véhiculer comme émotions à travers ces teintes ?

Agathe Toman

L’émotion à l’état brut n’a, pour moi, pas de couleur. Ce que je retranscris sur papier ou toile ou autre n’a pas de couleur parce qu’aucune couleur ne sort de moi, ni de ce que je vois du monde. C’est peut être comme l’écrivain qui ne se demande pas en quelle couleur sera édité son roman, les textes seront écrits en noir sur des pages blanches. Cela sera peut être amené à changer, évoluer, dans le futur mais pour le moment je n’en ressens ni l’envie ni le besoin. Et si j’ai récemment utilisé la feuille d’or sur quelques uns de mes travaux, je reviens au noir et blanc exclusif pour mes projets à venir.

L’abstrait te permet-il une forme de codification dont tu es la seule traductrice ?

C’est la version décodée de ce qui se passe à l’intérieur…Une émotion, une pensée, un vécu, n’est pas qualifiable, il est juste. Ce que je crée n’a pas de forme figurative à priori.  Je ne dirais donc pas une codification mais plutôt un écho, la matérialisation de mes vibrations. Avant de pouvoir produire, je dois mettre un mot sur ce qui me traverse, l’identifier. Les mots ont une importance primordiale au sein de ma création. Je lis beaucoup, mais j’écoute surtout de la musique en permanence et ça m’aide à matérialiser mes pensées. Des phrases, des mots, des rythmes vont soudainement s’imposer comme un indice d’émotion, un socle. Ces émotions et ces pensées se déclinent et vivent dans l’abstraction du trait et le figuratif de l’impression qu’il laisse. C’est ma manière à moi de pouvoir communiquer avec le monde extérieur. Nous vivons, à mon sens, dans une société qui est en coma émotionnel, faire de l’art est une opération à cœur ouvert (brisé le plus souvent).

L’amour est une thématique récurrente dans tes œuvres. La peinture te permet-elle de démêler des nœuds, des incompréhensions comme une forme de recherche spirituelle voire d’introspection ?

L’Amour est vraiment omniprésent au sein de mes créations. Mais l’amour au sens large. Les gens auront le plus souvent tendance à penser directement à l’amour à deux, le couple, mais il ne s’agit que rarement de cela. Ce mot « Amour » renvoie à une émotion si forte, si intense, que je l’utilise plus pour évoquer une sensibilité qu’un état. Cet Amour, bon ou mauvais,  m’habite, tout le temps, en permanence. C’est une malédiction autant qu’un don. Le plus dur c’est de le gérer, de vivre avec en maintenant l’équilibre. Je ne suis jamais dans ce « coma émotionnel » que j’évoquais plus haut, et parfois il m’arrive d’espérer, juste une minute, d’y être plongée. En ce qui concerne l’introspection, c’est bien simple, ma création est une introspection permanente. Forcément des nœuds se défont au cours du travail, je grandis.  Au début, mon passé était ma principale source d’inspiration, mais je l’ai démêlé sur toile, maintenant c’est le présent que je retranscris. S’exposer, c’est une mise à nue absolue, corps et âme.

Peindre sur des supports variés te permet-il de renforcer voire de multiplier des messages ?

Cela n’influe pas sur les messages mais changer de support met ma technique au défi. Récemment, pour un événement Vans, j’ai peint un module du skate-park. C’était la première fois que j’envisageais de recréer en peinture mes « lunes » déconstruites. Je n’étais absolument pas certaine que ça fonctionne. J’ai travaillé au pinceau brosse très large et à la peinture noire, le rendu était finalement  similaire à celui que fais au stylo Bic sur papier habituellement. Je n’avais plus de noir acrylique classique, mais il me restait de la peinture noire que j’utilisais spécialement pour les planches de surf, je l’ai mélangé à une peinture acrylique blanche. Le résultat n’était pas du tout celui que j’attendais. Il était bien plus beau. La manière dont se fondent ces deux types de peinture  est magnifique. Une exploration des supports amène une exploration de techniques qui elle-même amène de nouvelles découvertes et ainsi de suite.

Quelle exposition que tu as réalisé t’a le plus marqué ?

Début juin, nous avons exposé avec l’artiste Gomarht à Biarritz dans un hangar atelier immense. Nous nous étions rencontrées dans un bar à Paris un mois et demi avant. Margaux m’a dit qu’elle voulait réaliser un projet artistique avec moi.  Nous nous sommes enfermées pendant un mois et demi pour travailler et surtout apprendre à se connaitre pour créer quelque chose d’absolument sincère qui nous ressemblait. Tout ce que nous avons créé pour l’exposition « Chères » nous l’avons produit sur place, dans l’atelier, et ensemble. C’était sa première exposition et je suis vraiment très fière d’en avoir fait partie. Il y a d’autre part l’exposition que j’ai présenté lors du salon du dessin contemporain DDessin Paris en mars dernier. Ce fut une immense chance mais également l’un des plus gros défis de création et de production que je m’étais donné à réaliser : mon projet 58/58 (59).

Quel est le premier artiste qui t’a bouleversé?

Sans hésitation, Vincent Van Gogh. Ma mère avait accroché une reproduction de son tableau de l’église d’Auvers sur Oise, à la maison. Je passais devant tous les jours, et je m’arrêtais très souvent pour le regarder dans tous ses détails. Aujourd’hui Van Gogh reste l’un des artistes qui me fascinent le plus, tant par son travail que par la vie qu’il a vécu.

Quelle est la suite pour toi ?

Agathe Toman oeuvre
Agathe Toman visuel art

Je suis de nouveau invitée par la fondatrice et directrice artistique, Eve De Medeiros à exposer au salon de dessin contemporain DDessin en mars prochain. In projetentièrement nouveau et créé spécialement pour cette exposition . Le salon se tient du 29 au 31 Mars à l’Atelier Richelieu.
A compter du 4 Avril j’expose au coté de LN Gallery à Art Paris au Grand Palais.
Je commence également à travailler avec une galerie à Londres, Pavot Gallery qui me représente depuis peu…
J’ai également une exposition dans une galerie d’art de Biarritz prévu pour l’été prochain….

D’autres part quelques nouvelles collaborations sont à venir au cours de l’année telles que avec la marque de lunettes de soleil de luxe Valley Eyewear. 

Agathe Toman – Site

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Minimalist modern living room with sofas in loft style flat. 3d Rendering
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Agathe Toman – Instagram

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Ninon Hitta
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2 commentaires

  • Valérie Fitzpatrick Art Design

    WoW! Ce matin, j’ai lu l’article. Je me retrouve quelque part dans le cheminement de Agathe. C’est inspirant! Bravo!
    J’ai aussi laissé ma carrière traditionnelle récemment (un boulot payant et valorisé par la société) pour me consacrer entièrement à l’expression de l’art qui m’habite depuis toujours. Je vis au Québec et comme ailleurs les artistes qui émergent rencontrent des défis, des obstacles. Notre cheminement est du à notre passé et notre futur est façonné par une partielle du présent d’où l’importance de croire en soi.
    Vraiment, je vais continuer de suivre Agathe dans son parcours.

  • Très bel interview, je suis fan, bravo <3

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