C’est un artiste extrêmement productif qu’est Abdul Abdullah. Il travaille depuis 2011 à faire des séries d’œuvres de tous supports : peinture, photographie, illustration … Il adopte un style très abouti, très défini, et mélange réalisme et pop-culture. Souvent invité dans des conférences comme la célèbre TEDxSidney, il maîtrise totalement son message et s’évertue à propager la culture australienne contemporaine.
« Wedding Series » est un exemple frappant des œuvres du photographe Abdul Abdullah. Cette collection est composée de photos prises de la même manière, avec le même angle de vue, montrant sensiblement la même chose. Mais ces photographies inspirent un malaise, malgré le thème abordé qui est le mariage et qui est donc censé être heureux. Chaque marié et mariée a, en plus de leur habit traditionnel, une cagoule sur la tête. Véritable rupture pour le public qui doit faire face à ce décalage. On ressent de la gêne, du malaise et surtout un absence de sentiments amoureux. Car les couples sont statiques, sans aucun sentiment affiché ni attachement l’un à l’autre. Tout est très guindé. La seule beauté dans ces clichés réside dans les décors qui sont majestueux, avec des influences indiennes et musulmanes, des rideaux à paillettes, des bouquets de fleurs par dizaine … Chaque image a sa teinte et les nuances qui se déclinent, les lumières sont disposées de manière à toujours illuminer le couple, au centre, nous regardant tout en attirant l’œil sur d’autres parties.
On remarque une constance au niveau du travail d’Abdullah, qui s’attache à montrer les attributs traditionnels de différentes cultures. Plus haut, nous avons eu le mariage, véritable institution depuis des millénaires avec tout ce qu’il incombe. Dans la série « Rationally Benevolent Gods », c’est à la Rome et Grèce Antique qu’il s’attaque. Avec seulement de la peintures à huile, il dessine des têtes humaines à la manière de statues de cette époque. On n’observe que des têtes qui s’arrêtent en haut des épaules, tout comme les œuvres anciennes. Exceptés quelques détails, quand les statues étaient fidèles aux têtes humaines, ici elles sont absurdes. Il y a toujours un œil en plus rajouté sur une des joues. Pourtant les autres éléments des peintures semblent s’attacher au classique, il reprend la même manière de dessiner les cheveux bouclés, les nez droits et les mentons bien délimités, tout ce qui identifie les statues à l’époque antique. Mais les yeux nous rappellent la modernité, ainsi que sa touche, extrêmement présente. Et ce n’est pas la seule série dans laquelle il dessine ces détails : dans MISC, une collection de portraits également dessinés, les personnages ont souvent des éléments en double : les oreilles, la bouche, les yeux … Ceux-ci sont disposé aléatoirement sur les visages qui sont représentés de manière plus moderne.
Abdul Abdullah se définit lui-même comme « l’outsider parmi les outsiders » et on le ressent dans son travail. Il s’intéresse aux communautés minoritaires dans son pays, l’Australie, la manière dont elle s’intègrent à la culture dominante. La marginalisation reste son principal moteur de réflexion et à travers elle, il examine la nature humaine.