C’est l’histoire d’un homme qui raconte les Hommes. Sebastião Salgado se dit lui même plus conteur, qu’artiste. Un conteur pour le moins singulier puisque ses histoires s’écrivent dans la lumière.
Le noir et blanc au service de l’Histoire moderne
Originaire du Brésil, il débarque en France en août 1969 avec sa femme Leïla. C’est elle qui achète un appareil photo pour ses études en architecture mais c’est Sebastião qui en profite le plus ! En fait, il se découvre une réelle passion, à tel point qu’il quitte ses études en économie et investit toute sa cagnotte dans l’achat de matériel photographique.
La beauté de l’horreur
Huit ans après son arrivée en France, l’Amérique Latine manque à Sebastião. De 1977 à 1984 il retourne sur le continent qui l’a vu naître et réalise Otras Américas. D’abord (dans ce reportage ) il s’intéresse aux villages oubliés, aux populations dont on parle peu, il amène la lumière sur cette autre Amérique; la sienne. Puis quelques années plus tard, il se dirige au Sahel pour deux ans de marche aux côtés d’affamés. Il photographie la famine, la misère, la souffrance et les corps desséchés par le choléras.
Ses photos, toujours saisissantes, nous renvoient parfois à un sentiment de culpabilité. Coupable de trouver de la beauté dans l’horreur car c’est de là que se dégage tout le talent de Sebastião Salgado.
La Main de l’Homme
La Main de l’Homme est son troisième ouvrage photographique. S’il me fallait acheter un livre de Salgado, ce serait celui-là. La puissance qui se dégage des photos est époustouflante. Des hommes travaillent dans le désert pour extraire le pétrole et en l’espace d’une photo, on a l’impression d’être transporté sur une autre planète. La matière noire recouvrant leur combinaison les fait paraître à des extraterrestres. Ils s’affairent à lutter avec acharnement contre cette force indomptable. Tout explose, il y a du feu partout, on se croirait dans un Micheal Bay, mais avec du style et plus de grain.
C’est surréaliste ! Autant que les célèbres photos de la mine d’or de la Serra Pelada. Continuant sa série sur la destruction de la terre par la main de l’homme, Salgado se retrouve dans une mine au milieu de 50 000 corps pataugeant dans une fausse boueuse pour chercher de l’or. Les corps recouverts de terre se mêlent au fond, le noir et blanc brouille notre vision, les photos ne représentent plus qu’une masse informe et grouillante transpirant l’effort.
Trop c’est trop
Toute fois, Sebastião Salgado ne s’arrête pas là. Soucieux de continuer à conter l’histoire de l’humanité moderne, il se lance dans un reportage qu’il nomme Exodes. C’est pourquoi il suit la migration des populations africaines et européenne. Il photographie la violence du genre humain en ne montrant que les effets de cette dernière. La force de la solitude, la mort et la tristesse témoignent de la bestialité qui peut parfois habiter le cœur des Hommes. Entre 1993 et 1999, il va de massacre en massacre et finit par être dégoûté de ce dont il témoin.
Alors Sebastião Salgado s’exile ! Il part dans la ferme familiale avant de revenir à la photographie quelques années plus tard. Il présente Genesis en opposition au reste de son travail. Désormais, pas de silhouette, pas de corps maigri par la faim, pas de migration de population, seulement la Terre. Il en parle comme une sorte d’hommage. Après avoir mis en lumière la diversité de notre genre, dénoncé les dérives de nos comportements, Sebastião nous présente ce monde magnifique dans lequel il a vu toutes ses horreurs. Sans doute pour nous rappeler que dans chaque écrin se cache un trésor.
Faut il encore avoir l’œil.