Alex Gross est un artiste américain né en 1968
à Roslyn Heights dans le comté de Nassau, New York. Mais c’est bien plus à l’ouest à Pasadena, en Californie, où il sera diplômé de l’ Art Center Collège of Design, qu’il trouvera sa voie en rejoignant le mouvement Lowbrow _ qui bien qu’ayant émergé dans les 70’s, ne connaitra son apogée qu’au début des années 90.
Le mouvement Lowbrow est une énième réponse à l’académisme rigide et dominant_ il fait son taff de force d’oppression indispensable à l’apparition d’un art alternatif alors soyez cool avec l’académisme_ qui s’efforçait de distinguer ce qui était art, ce qui était sujet d’art, ce qui était façon d’art ou matière d’art, de ce qui ne l’était pas. Horrible débat. Chronophage et chiant. Le terme low-brow (sourcil bas) se veut d’ailleurs une réponse à l’expression high-brow (sourcil levé) qui est une posture hautaine et prétentieuse. Mais n’allez pas croire que l’opposé de l’arrogance soit l’humilité, car en ce cas précis, cela serait plutôt la désinvolture. Libre de toutes chaines, le Lowbrow est excessif.
De ses sujets à sa composition, il trahit chaque code, détourne chaque icône, raille chaque sujet, souvent drôle, toujours cynique, mange à chaque râtelier, brasse des imageries diverses, et parait la plupart du temps être un joyeux bordel dont aucune esthétique dominante ne pourrait être déduit. Toute image est bonne à prendre, tout symbole se vaut ; plutôt crever que faire de l’élitisme. Ici pas de règle du nombre d’or, ni de porte d’harmonie ou de ligne de force, non, mais un bordel assurément jouissif. Le mouvement a par son hétérogénéité produit des artistes disparates allant du plus que très bon Todd Schorr, au mercantile Gary Baseman, jusqu’au foutage de gueule complet que sont les œuvres de Kenny Scharf. Merde, Kenny.
Alex Gross comme tout membre du Lowbrow à une certaine aspiration au chaos et produit des toiles dantesques et fouillées. C’est coloré, subversif ce qu’il faut, soigné à l’extrême. Certains thèmes peuvent nous paraître aujourd’hui éculés, mais sont à remettre dans le contexte des années 90 où il était de mœurs de taper sur la globalisation, personnifiée par sa trinité démoniaque : Coca-Cola, McDonald, Wall-Mart. C’était la période où l’on peignait et photographiait l’Homme dans le supermarché et ce, devant de vertigineux rayons de boites de conserve. Période aussi où l’artiste compris qu’il n’était plus le seul créateur d’icône, mais était concurrencé par les publicistes.
De la mascotte de céréale à la vierge Marie, on ne savait plus trop qui était quoi. Dans le doute, on les a mis dans le même tas.
Alex Gross raille l’art classique en reproduisant ses plus célèbres compositions, tels des portraits type Second empire ou des descentes de croix.
Certaines de ses œuvres nous demeurent inaccessibles, comme possédant une subversion secrète, tandis que d’autres ont la symbolique plutôt poussive.
Le serpent qui donne le Coca à la jeune femme. Vous voyez ? Le truc de la pomme?
Alex Gross n’est pas toujours subtile, mais le Lowbrow n’ayant jamais prétendu l’être ; il serait malhonnête de lui en tenir tort.
Comme c’est un art décomplexé, le Lowbrow n’a aucune pudeur dans son commerce. Parler argent, c’est OK. On reproduit les toiles sur une casquette, sans trop de remords, transformer l’art en produit est la moquerie suprême. À croire que les artistes de ce mouvement ne se prennent véritablement au sérieux que dans la catégorie Store de leurs sites. J’ai regardé la section boutique de www.alexgross.com et sans concurrencer en quantité celle d’H&M, il y a de quoi se mettre sous la dent si on est fan. Sont en vente certains originaux de sa série de micros tableaux à l’huile, façon daguerréotype, représentant des personnages cultes de la pop culture, et d’autres plus obscures.
De cette série, qui lui valu une renommé publique, le site affiche 8 pages complètes chacune contenant 8 colonnes de 4 rangées, ce qui me fait 8x(4×7) = 224 micros tableaux qui sont possiblement vendus chacun 750 dollars pièces. Qu’on s’entende : tout artiste a pour ambition de vendre ses toiles, et c’est le mieux qu’on leur souhaite, mais décliner en grande quantité un procédé identique demandant une exécution quelque peu modeste, n’est pas la démarche qui m’emballe le plus.
Mais c’est alors que je vous ai dépeint un artiste un poil bourrin, au cynisme revendiqué_ non, mais j’en rajoute_ que je dois vous évoquer le véritable Alex Gross. Celui que je porte en mon cœur : le Alex Gross qui peint des portraits de femmes.
Cette série s’avère d’une inattendue finesse de style. L’élégance des poses, la sincère délicatesse des traits. Alex Gross semble apaisé, et traduit dans les visages imparfaits de ces femmes une tristesse toute particulière. Il ne cherche plus à se moquer ou à détourner, mais à nous murmurer un certain mal-être; celle de cette génération perdue qu’on trouve si brillamment écrite dans le roman graphique Ghost World de Daniel Clowes. Le résultat est une joyeuse tristesse, et on éprouve plus de plaisir à contempler ces visages presque anémiques plutôt que le parfois épuisant fourmillement de ses toiles plus populaires.
Alex Gross est un être manifestement mélancolique, et il n’est pas curieux de trouver son avatar en littérature en Murakami, dont il a dessiné la pochette du livre After Dark.
Oh ! Il a dessiné aussi la jaquette de l’album 23 du groupe Blonde Redhead ! Est-ce que cet anecdotique détail justifie de ma part que je conclue cet article par le lien d’une de leur chanson me demandez-vous ? Yup. Parce que c’est cool Blonde Redhead.
Plus du génial Alex Gross, ici
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