Les œuvres de l’artiste montréalais Clic sont facilement identifiables. Ses collages jouent avec les corps et les objets typiquement rétro, parfois ornés d’un mot, mais jamais plus, et rapiécés sur fond de couleur pastel, quand couleur il y a. Une esthétique minimaliste, un brin naïve, qui laisse toute la place à l’émotion.
Armé de ses ciseaux, Clic crée toujours ses collages à la main. Il aime les textures et les imperfections qui sont ainsi créées, mais surtout, les surprises qu’il appelle ses « hasards heureux ». Car si les logiciels comme Photoshop sont certes bien pratiques, ils contraignent l’artiste à prévoir son coup d’avance. « Alors que quand tu travailles à la main, tu ne sais pas nécessairement où tu t’en vas, t’arrives à des trucs auxquels tu n’aurais pas pensé », explique-t-il.
Malgré la quantité d’images découpées qu’il accumule chez lui, il assure connaître sa « réserve » par cœur. Quand un mouvement de corps ou un objet lui inspire une idée précise, il peut la garder en tête des semaines, voire des mois, avant de trouver son complément parfait.
Le moment de créer enfin venu, tout devient très instinctif, comme une seconde nature. « Je réfléchis beaucoup, mais pour ça non, dit-il. C’est le seul moment dans ma journée où je ne penserai pas. J’entre dans une bulle créatrice, je finis un collage et je ne me souviens pas l’avoir fait. »
Ne reste alors que l’émotion à l’état pur. L’art sans filter.
Mad Men sur la planche à découper
Pour garnir sa réserve, Clic trouve son inspiration dans les photographies de mode et les thèmes des années 60, particulièrement ceux des magazines Playboy, Life et Paris Match pour leurs sujets si grossièrement stéréotypés. « Le Playboy s’adresse à un public masculin, alors c’est genre char, alcool, cigarettes, un peu de sexe, mais très peu. Dans tous les numéros, c’est tout le temps ça. », révèle l’artiste.
Même chose du côté de Life et Paris Match, cette fois pour un public féminin bien précis : la femme au foyer. Ce qu’on lui propose ? Du ménage, de la cuisine, des électroménagers et les nouvelles astuces beauté, bien sûr. « On parle beaucoup d’hypersexualisation dans les magazines, alors ce que j’aime faire, c’est déshumaniser la personne, analyse-t-il. Ou encore créer des personnes objets. J’aime bien jouer avec ces deux éléments-là. »
Se décrivant comme un « internet addict », Clic se plait également à mélanger ces images du passé aux tendances actuelles. Sa première collection, par exemple, se base sur le thème des réseaux sociaux. D’ailleurs, parmi toutes ses créations, celle qu’il préfère demeure l’une des œuvres de cette série. Intitulé Profile picture, c’est son collage qui provoque le plus de réaction. « Certains la trouvent creepy, d’autres drôle, mais tout le monde a quelque chose à dire. C’est pour ça que je l’aime », déclare-t-il.
Youtube, musées et autres goals
Artiste depuis toujours, la création est plus qu’un passe-temps pour Clic, c’est un besoin. Il ne s’impose aucune limite ni contrainte, sinon celle de ne jamais « devenir un magasin », et se dit ouvert à tous les médiums, que ce soit le dessin, la peinture, ou la photo. Il est actuellement inscrit au Collège Ahuntsic en graphisme, une formation qui lui permet d’explorer de nouvelles techniques.
Entre les cours, le travail, et ses projets artistiques, Clic avoue manquer de temps (et de sommeil) pour accepter tous les contrats qu’on lui offre. Et vu tout ce qu’il projette encore d’entreprendre, cela ne risque pas de changer de sitôt. Des t-shirts sérigraphiés, une affiche pour le festival Zone Homa, une toile grand format, et une boutique en ligne – et ce ne sont que les projets qui verront le jour d’ici juin.
Il espère également créer une couverture d’album, illustrer un paquet de cartes à jouer, créer une collection à partir de vieilles cartes de bibliothèque, réaliser le graphisme de la chaîne Youtube React, et accomplir cette ambition qui l’habite : celle de créer une exposition de grandes installations en 2D et 3D destinée aux musées. « Il y a quelque chose dans le fait de faire quelque chose de plus grand que soi que je trouve intéressant », confie-t-il, les yeux brillants.
Mais le rêve, le vrai, serait d’entrer chez des inconnus et d’y voir ses œuvres accrochées au mur. « Ça, c’est vraiment le goal », dévoile l’artiste.
–» En attendant d’admirer ses collages au musée du coin ou dans le salon de votre belle-mère, vous pouvez suivre Clic sur les réseaux sociaux : facebook | instagram