The last of us part 1

“The Last of Us” ou la rencontre déchirante de deux êtres en quête de rédemption

Image d'avatar de Arthur TongletArthur Tonglet - Le 15 mars 2023

Alors que la série « The Last of Us » vient de clore sa première saison sur HBO (et PrimeVideo en France), la rédaction de Beware! a tenté de mettre des mots sur ce qui s’apparente déjà (autant pour la presse que pour les spectateurs), à l’une des adaptations les plus réussies de jeux-vidéo à ce jour. Alors en route !

Avant de vous donner nos impressions sur le show, petit retour en l’an de grâce 2013, pour faire le point sur l’œuvre originale. Alors que le journal The Guardian publie les premières révélations d’Edward Snowden sur la NSA, et qu’une pluie de météorites frappe la ville de Tcheliabinsk en Russie, le monde vidéoludique découvre The Last of Us, une fresque sombre et intimiste, qui tire le portrait de deux individus en quête de rédemption, dans un monde Post-Apocalyptique prenant place en 2033. Édité par Sony et développé par Naughty Dog (créateurs de Crash Bandicoot et de la saga Uncharted), le jeu raconte la traversée de deux survivants, Joel et Ellie, d’une Amérique ravagée par le Cordyceps, un champignon qui prend le contrôle de ses hôtes humains, entraînant mutations et autres comportements agressifs. Rapidement qualifié de chef-d’œuvre, aussi bien par la Presse que par les spectateurs, le jeu acquiert le statut d’œuvre culte à travers les années, et ce, jusqu’à la sortie du second opus, en 2020, cette fois sur PS4.

Une œuvre culte de la Pop Culture

Même s’il ne renouvelle pas fortement le genre post-apo, l’univers créé par Neil Druckman, Bruce Straley et leur équipe est souvent évoqué pour sa dimension immersive, ainsi que pour l’écriture de ses personnages, d’une finesse et d’une profondeur encore rarement vue dans un triple A (jeux bénéficiant d’un budget de développement et de promotion conséquent, équivalent aux blockbusters pour le cinéma).

Si l’on peut facilement passer au détecteur les différentes références ayant inspiré le jeu (on pense notamment à La Route, Je suis une légende ou le plus évident : les comics The Walking Dead), l’œuvre se démarque par son format (plus d’une dizaine d’heures de jeu en interaction et au côté des personnages), ainsi que par l’interprétation de Joel et Ellie par de véritables acteurs, qui grâce à la technique de la performance capture, donnent à ce duo improbable une énergie et une tension dramatique à même de rivaliser avec les standards cinématographiques les plus marquants (comparaison est souvent faite avec le duo Hugh Jackman et Dafne Keen du film Logan).

La relation entre Joel et Ellie est également au cœur du jeu,
La relation entre Joel et Ellie est également au cœur du jeu, la pandémie, les pillards et les zombies servant uniquement de contexte qui motiveront leurs différents choix.

Si en 2013, le jeu-vidéo à grand-spectacle est déjà reconnu pour ses aspirations cinématographiques, son statut d’oeuvre d’art est néanmoins remis en cause par le milieu culturel et journalistique, d’autant plus quand il ne s’agit pas de jeux indépendants. On pense notamment à Limbo ou encore The Stanley Parable, premiers succès d’un courant alternatif vidéoludique, principalement reconnus pour leurs qualités expérimentales et artistiques, et dont la comparaison avec les jeux dits de divertissements rappelle le clivage films d’auteur / blockbusters que l’on retrouve dans le monde du cinéma.

La musique joue un rôle primordial dans le jeu, et donne à cet univers une atmosphère à la fois envoûtante, plaintive et propice à l’aventure.

Autant de raisons qui poussent Naughty Dog à pousser leur ambition loin, très loin, tant sur la forme que sur le fond, afin de propulser le monde du jeu-vidéo grand public dans une dimension universelle encore jamais atteinte. En résulte une oeuvre poignante, au récit profondément humain, mais non sans aspérités, dans laquelle découverte de l’environnement, relations entre personnages et séquences de survie forment un tout cohérent, et où rien n’est laissé au hasard. Chaque action, chaque élément de décors ou remarque lancées par l’un des personnages tend à servir le propos et le récit : la rencontre de deux êtres en quête de rédemption, dans un monde où la survie et l’individualisme n’ont jamais été aussi prégnants.

Neil Druckman et Craig Mazin durant la réunion The Last of Us (HBO) en 2022.
Neil Druckman et Craig Mazin durant la réunion The Last of Us (HBO) en 2022.

2023, le temps de la sublimation

Après une tentative avortée d’adaptation pour le cinéma, il est finalement annoncé que Craig Mazin (créateur de la série Chernobyl) et Neil Druckman s’occuperont de l’adaptation télévisuelle de The Last Of Us pour la chaîne HBO. Après avoir envisagé les acteurs Mahershala Ali ou encore Matthew McConaughey pour le rôle de Joël, c’est finalement Pedro Pascal qui endossera le costume de ce contrebandier au passé peu reluisant. Quant à Ellie, Maisie Williams ou Kaitlyn Dever, un temps pressenties pour l’adaptation filmique du jeu, sont jugées trop âgées pour interpréter le rôle de l’adolescente de 14 ans, et c’est Bella Ramsey qui sera finalement engagée. Si les deux acteurs avait déjà officié tous deux dans Game of Thrones, ils ne s’étaient encore jamais rencontrés, ce qui n’empêchera pas le duo de développer une belle alchimie tout au long du tournage de la série.

Bella Ramsey dans la peau de Ellie, sur le tournage de la série The Last of Us.
Bella Ramsey dans la peau de Ellie, sur le tournage de la série The Last of Us.

L’histoire du jeu se développant à travers de multiples régions du Nord des États-Unis, le tournage s’étalera sur 200 jours de prises de vue allant du Wyoming au Missouri, en passant par le Canada. Le design des infectés est confié à une équipe de prothésistes ayant travaillé avec Mazin sur Chernobyl. Ils privilégieront ensemble l’approche organique au détriment d’effets numériques, selon la demande des créateurs. Certains décors, comme la ville de Lincoln dans le troisième épisode, ou la zone de quarantaine de Boston, nécessiteront plusieurs semaines voir plusieurs mois de construction. Ils résulteront pour la plupart d’un travail de transformation et de reconstruction de lieux ou de bâtiments existants. La bande originale est quant à elle, de nouveau confiée au compositeur argentin Gustavo Santaolalla, qui avait déjà signé l’OST du jeu-vidéo éponyme.

Le travail de Mazin et Druckman : entre apports scénaristiques et reprise du matériau d’origine

On ne va pas vous mentir, la série The Last of Us est très (voir trop selon certains) fidèle au jeu de Druckman et Straley. On retrouve ainsi des séquences entières présentes dans le jeu ou ses cinématiques, parfois reprises plan par plan, ce qui peut être déroutant quand on a terminé le jeu plusieurs fois. On a parfois l’impression d’une mise en image, surtout dans les premiers épisodes, qui ne bénéficie pas moins d’une mise en scène d’ampleur et de quelques apports bien sentis (on pense au plateau de télévision dans l’épisode pilote, qui fait écho au contexte épidémiologique de notre époque, ou au premier cas de cordyceps dans l’épisode 2). L’épisode dédié au personnage de Bill (dont le passé n’est que simplement évoqué dans le jeu) prend néanmoins un tout autre chemin avec le show, qui présente son histoire d’amour avec Frank. Mettre en scène une histoire passionnelle entre deux hommes, qui plus est dans un monde post-apocalyptique, est un choix audacieux, et nous a semblé être l’un des grands temps forts de la série. Ce passage se manifeste ainsi comme une sorte de capsule temporelle, qui permet de renforcer la profondeur du personnage de Bill, et qui, loin d’être une tranche de vie distanciée de la trame principale, est habilement lié à l’histoire de Ellie et Joel, par un jeu de miroir dont seul Mazin et Druckman ont le secret. Les épisodes suivants oscillent entre remaniements nécessaires de certains passages, et attachement à l’histoire originale, sans jamais perdre de vue l’objectif de retranscription d’un récit déjà bien au point, afin d’accompagner cette histoire dans son passage d’un médium à un autre.

La relation entre Bill et Frank, à peine évoquée dans le jeu, est ici pleinement mis en scène.
La relation entre Bill et Frank, à peine évoquée dans le jeu, est ici pleinement mis en scène.

Une adaptation filmique hautement maitrisée et à la portée universelle

Ce qui semble avoir marqué d’emblée la communauté de joueurs et de joueuses, c’est la puissance du propos et l’impact de cette histoire en apparence très simple, dont la dimension à taille humaine donnait déjà au récit de base une portée universelle. Si la série reprend trait pour trait les caractéristiques de chaque personnage, elle ne manque pas d’en exacerber certains contours, ou de les sur-ligner, dans le but d’apporter subtilement une nouvelle profondeur à l’histoire de Joel et Ellie. La relation entre ces deux singularités prend une toute autre dimension avec des acteurs et actrices de chair et d’os, et l’aspect tangible de l’univers est ici magnifié. Dès l’arrivée du générique d’introduction, et le retour du thème musical de Gustavo Santaolalla, on retrouve le climat à la fois envoûtant et désespéré de ce monde endormi sous le poids des âges et de la destruction. Peu à peu, le voile s’ouvre et les personnages prennent vie, parfaitement incarnés par des acteurs et actrices à l’interprétation tout en nuances. Face à eux, le calme apparent des paysages débarrassés de la présence humaine, et où les ruines de l’ancien monde, désormais recouvertes de végétations, sont tour à tour refuges ou antres des pires abominations. Comme dans le jeu, le lien ténu qui unit Joel et Ellie dans leur périple se fera de plus en plus difficile à rompre, jusqu’à ce que l’un d’eux commette l’acte d’amour le plus égoïste et déchirant qui soit, et qui mènera aux conséquences que l’on connaît dans The Last Of Us : Part 2.

Les décors sont à la hauteur de l'univers dépeint dans le jeu-vidéo original.
Les décors sont à la hauteur de l’univers dépeint dans le jeu-vidéo original.

Une série à la hauteur de ses ambitions ?

Comme avec le jeu, ce show en neuf épisodes se termine avec l’estomac noué, et l’état de fait qu’il ne pouvait y avoir une fin plus belle et ambivalente que celle proposée dans l’œuvre originale. Portée par des musiques qui disent, sans artifices ni fioritures, ce que les dialogues ne peuvent énoncer, et qui loin de sur-ligner l’action, apportent une couche supplémentaire de profondeur à l’univers (tout comme les décors, les costumes ou la mise en scène), nous ne pouvons que vous conseiller le visionnage de la série The Last of Us.
Que vous soyez fan du matériau d’origine ou que vous désiriez ouvrir les portes de cet univers extraordinaire, qui fait écho par bien des aspects à notre monde actuel, cette histoire de luttes et de paradoxes très humains est en mesure selon nous de plaire à un large public, et s’impose comme l’un des titres phares de la chaîne HBO. L’ensemble forme une fresque bouleversante, qui confine à la poésie la plus sordide, quelque part entre le primaire et le sublime, et dont le dénouement l’emportera finalement sur un acte d’amour d’une portée dramatique inouïe.
Une deuxième saison est déjà en cours d’écriture, et cette seconde partie, que l’on sait déjà plus ambitieuse, aura de quoi donner du fil à retordre à ses créateurs, à qui on l’on souhaite tout le courage et la démesure nécessaire pour poursuivre le chemin entamé dans cette première aventure.

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Arthur Tonglet
Article écrit par :
Curieux de l'art sous toutes ses formes, je travaille dans l'audiovisuel et je fais en parallèle de la musique sous le pseudo "O'Bear". J'aime venir ici pour mettre en avant les artistes que j'aime, pas toujours connus à leur juste valeur 🙂

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